Les sujets de tension avec la Chine se multiplient. Après la guerre commerciale sinoaméricaine de 2019, la polémique sur l’épidémie de Covid-19, l’indépendance de l’OMS, et Hong Kong, c’est au tour du déploiement de la 5G et du rôle dévolu à Huawei de donner lieu à un affrontement entre Occidentaux et les Chinois.
La technologie 5G est un nouveau standard de téléphonie permettant d'augmenter le nombre de connexions simultanées. Un million d'équipements au kilomètre carré, soit dix fois plus que la 4G, pourront être connectés. Elle offre également la possibilité de transmettre plus de données en moins de temps. Les débits sont ainsi multipliés par 1 000 et le temps de transmission réduit de 100 fois par rapport à la 4G. Cette technologie répond à des nouveaux besoins en lien aujourd’hui avec l’essor du clouding et des objets connectés et, demain, avec le développement des voitures sans conducteur. La 5G devrait favoriser la gestion à distance de nombreux objets ou robots. Associée à des techniques vidéos, elle devrait faciliter la télémédecine. La Chine est aujourd’hui le pays le plus avancé en matière de diffusion de la 5G avec la Corée du Sud et le Japon. Plus de 100 millions de Chinois ont déjà souscrit un abonnement 5G. Huawei est devenue un des entreprises clef de cette technologie en proposant des serveurs et des antennes. Huawei symbolise la montée en puissance de la Chine non seulement dans les nouvelles technologies mais aussi au niveau commercial. Le chiffre d’affaires de cette entreprise atteint 125 milliards de dollars.
Huaweï et l’espionnage
Huawei est accusée d’espionnage au profit des autorités chinoises. Les autorités américaines estiment que les équipements de cette entreprise permettraient à la Chine d’avoir des informations en directes, voire de contrôler des ordinateurs et des objets connectés. Elles considèrent également que les utilisateurs deviennent dépendants de la technologie chinoise qui est subventionnée et qui ne répond pas aux règles du droit de la concurrence. Face à ces risques, les États-Unis ont reconduit un embargo adopté en 2019 jusqu’en mai 2021 limitant l’accès d’Huawei à certains semiconducteurs américains. Cette mesure s’ajoute à celle empêchant le fabricant chinois d’utiliser les services Google sur ses smartphones, comme le récent Huawei P40 Pro. La marque a pu entamer une stratégie au long cours pour contourner cet obstacle en misant sur ses propres Huawei Mobile Services et sur le magasin d’applications AppGallery. Pour les microprocesseurs, Huawei est en train de trouver d’autres producteurs en-dehors des États-Unis. Le Royaume-Uni a également annoncé son intention d’empêcher le recours aux matériels Huawei pour le réseau de 5G. La France a fait de même le mercredi 22 juillet. Douze États occidentaux devraient prochainement suivre les États-Unis, le Royaume-Uni et la France.
Un front s’organise
La Chine a annoncé des mesures de rétorsions vis-à-vis des États qui interdisent ou limitent les activités de Huawei. Ainsi, elle envisage d'imposer des sanctions à Lockheed Martin pour la vente d'armes à Taiwan. HSBC, une banque hong-kongaise et britannique pourrait faire l’objet de sanctions de la part de la Chine et des États-Unis. Par ailleurs, plusieurs entreprises chinoises sont menacées de sanctions comme TikTok, une plateforme appréciée des jeunes. Elle fait l’objet d’une interdiction en Inde et, pourrait être prochainement également interdite aux États-Unis.
Cette guerre commerciale sur fond des technologies de l’information et de la communication est lourde de conséquences. Si la Chine est accusée de récupérer des informations sensibles avec ses antennes 5G et pourrait contrôler objets et terminaux connectés, ce reproche pourrait être également fait aux entreprises américaines comme Apple ou Google ainsi qu’à celles de l’Union européenne présentes sur ce marché (Nokia, Ericsson). Un engrenage protectionniste pourrait s’engager, entraînant des fractures au niveau des communications et provoquant une remise en cause des principes du commerce international. Le coût direct de l'extraction de Huawei des réseaux européens provoquerait une augmentation des coûts d’environ 1 % et un retard dans le déploiement de la 5G. Ericsson et Nokia, deux fournisseurs d’équipements équivalents ont déclaré pouvoir accélérer leur production.
Les mesures concernant Huawei s’ajoutent à d’autres qui traduisent bien un changement de climat, changement qui s’est accéléré avec la crise à Hong Kong. Face à la volonté de la Chine de banaliser le statut de ce territoire, le Congrès américain a adopté la loi sur l’autonomie de Hong Kong. Complété par un décret, ce texte a mis fin au traitement économique préférentiel dont bénéficiait le territoire. Toute exportation de technologies sensibles américaines vers le territoire sera également interdite. Des dirigeants chinois susceptibles d’avoir contribué à éroder l’autonomie du territoire pourraient être interdits d’entrer aux États-Unis. Certains prêteurs chinois pourraient être également interdits de négocier en dollars. Les États-Unis appliquent des sanctions comparables à celles instituées contre la Russie après le rattachement de la Crimée en 2014. Des mesures de rétorsions de la part de la Chine sont également attendues sur ce sujet. Ainsi, la Chine a accusé les États-Unis d’ingérence et a indiqué préparer des mesures de rétorsions.
Le protectionnisme en pointe
Avant même la crise sanitaire, le protectionnisme progressait. Le tarif moyen sur le commerce sino-américain a été progressivement porté à 20%. De leur côté, les flux d'investissements directs de la Chine vers l'Europe avaient diminué, en 2019, de 69 % par rapport au sommet de 2016.
La guerre géopolitique engagée à l’encontre de la Chine est d’une nature toute différente de celle que l’Occident a mené après la Seconde Guerre mondiale avec l’URSS. En effet, la Chine est devenue la première puissance industrielle et commerciale au niveau mondial quand l’URSS était sur le plan économique un État de second rang. La Chine assure plus de 13% des exportations mondiales et représente 18% de la capitalisation boursière mondiale.
De plus en plus d’acteurs plaident pour une refonte des règles du commerce international, voire une refondation de l’Organisation Mondiale du Commerce. Certains demandent même la création d’une nouvelle organisation à laquelle ne participerait pas la Chine. Ils lui reprochent son capitalisme d’État, le subventionnement de nombreux secteurs et la manipulation du taux de change. Si la perte du statut de la nation la plus favorisée peut apparaître logique, son exclusion n’aurait plus beaucoup de sens sauf à vouloir instituer deux systèmes économiques étanches. L’Occident, au vu de son état politique économique et démographique, aurait plus à perdre qu’à y gagner. Il n’est pas certain que les pays émergents et les pays en développement acceptent d’isoler la Chine. D’autres revendications peuvent, en revanche, se justifier. L’ouverture du marché intérieur chinois, l’instauration de règles de gouvernance plus claires, une transparence réelle des relations commerciales et financières ainsi qu’une appréciation de la devise chinoise, constitueraient des avancées pour de nombreux acteurs du commerce international. L’application d’un code garantissant la sécurité des données générées par les technologies de l’information et l’indépendance des entreprises de ce secteur vis-à-vis du pouvoir sont également demandées.
La crise sanitaire et économique ainsi que les futures élections américaines ne favorisent par l’élaboration d’un consensus. Les Américains pensent que les Chinois ont plus à perdre d’une déstabilisation du commerce international ; les premiers s’appuyant sur leur marché de consommation quand les seconds dépendent des exportations. Malgré la volonté des pouvoirs publics, la demande intérieure de la Chine n’a pas pris le relais des échanges comme moteur clef de la croissance. Prudents, les Chinois maintiennent un taux élevé d’épargne, plus de 40 % du revenu disponible brut qui freine la montée en puissance de la consommation. Dans ce contexte, les autorités américaines pensent obtenir des concessions de la part de la Chine. Cette dernière est, en revanche, convaincue de sa nouvelle supériorité et elle a en mémoire les affronts que les Occidentaux lui ont infligée à la fin du XIXe et au début du XXe siècles avec les concessions étrangères.
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